Après d’importants efforts au long cours pour harmoniser les réglementations sur le médicament dans les régions africaines, une nouvelle étape s’engage avec la ratification du Traité de l’AMA, l’Agence africaine du médicament. L’objectif de quinze pays signataires avant la fin 2021 est déjà atteint aux deux tiers.
C’est à l’initiative de Michel Sidibé, ministre de la Santé et des Affaires sociales du Mali, et désigné cette année « envoyé spécial de l’Union africaine » pour l’Agence africaine du médicament, que le Leem, l’IFPMA (Fédération internationale des producteurs et associations pharmaceutiques) et l’IAPO (Alliance internationale des organisations de patients) ont organisé ce 22 juin une « table ronde de haut niveau », réunissant virtuellement une demi-douzaine de ministres ou représentants gouvernementaux (Algérie, Togo, République démocratique du Congo, Egypte, Cap-Vert, Nigéria et Maroc). Objectif : accélérer la ratification du Traité de l’Agence africaine du médicament (AMA), adopté en février 2019. La future AMA devrait largement s’appuyer sur l’expérience de l’Agence européenne du médicament (EMA), créée il y a plus de 25 ans. Sa directrice générale Emer Cooke, participant à l’événement, a souligné le caractère « important et ambitieux » de ce projet « que nous devons absolument soutenir ».
Engagement industriel sur l’harmonisation
Le soutien des associations d’industriels, et en particulier du Leem, est lui d’ores et déjà acquis. « Le département international du Leem travaille de longue date avec les régions francophones de l’Afrique à l’harmonisation des réglementations, en organisant des réunions annuellement, explique Julie Assedo, responsable des opérations internationales du Leem, en marge de cet évènement. Par exemple, sur l’harmonisation du niveau de classification des demandes de variations dans les dossiers, de façon à ce que les exigences auxquelles les entreprises doivent répondre sur ce sujet soient identiques d’un pays à l’autre. En accélérant l’approbation des dossiers, on accélère l’accès des médicaments aux patients. Aujourd’hui nous souhaitons aller vers une harmonisation à l’échelle continentale. » La future AMA aura ainsi à formuler des avis et des directives, ce qui, s’ils sont suivis par les différentes agences nationales, évitera la duplication de procédures réglementaires.
Un outil de lutte anti-contrefaçon
Une réglementation plus robuste est le principal souhait exprimé par les participants, y voyant un outil essentiel de lutte contre la contrefaçon, un véritable fléau en Afrique. « 20 % des médicaments y sont contrefaits ou de mauvaise qualité, voire beaucoup plus dans certains pays », pointe Michel Sidibé. « L’AMA créera un cadre réglementaire pour la traçabilité des produits et la responsabilité pharmaceutique », espère Lotfi Benbahmed, ministre de l’Industrie pharmaceutique algérien, qui attend aussi beaucoup de l’harmonisation réglementaire. « Celle-ci nous permettra d’amplifier les échanges, de rendre l’Afrique plus attractive pour des partenariats, de développer des pôles d’excellence, et d’aller vers l’enregistrement commun de produits pour répondre à nos besoins ». Mais pour Margareth Ndomondo-Sigonda, coordinatrice de l’AMRH (programme d’harmonisation des réglementations africaines sur le médicament), la reconnaissance mutuelle constituera un résultat à long terme, ayant pour prérequis une réelle confiance entre les parties que cette harmonisation contribuera à bâtir.
Une première étape
10 Etats ont déjà ratifié le traité. D’autres comme la République démocratique du Congo (actuellement à la tête de l’Union africaine) ont entamé un examen à cette fin, et l’Egypte vient d’obtenir « l’approbation officielle » de la présidence. L’objectif affiché par Michel Sidibé est d’atteindre 15 signataires d’ici 2021. Mais il ne s’agira que d’une première étape. Les pays signataires auront notamment à se mettre en conformité, en se dotant d’agences nationales du médicament en lieu et place des directions de la pharmacie et du médicament actuelles. Resteront aussi à régler les questions de la localisation de l’agence, des ressources humaines et surtout du financement pérenne de son activité. « Pourquoi ne pas instaurer un forfait par boîte de médicament ? », propose le ministre algérien.
Julie Wierzbicki